Aube et Crépuscule
Un jour que les fossoyeurs étaient partis sur le Voie Fantôme pour faire leur office, l'un d'entre eux entendit une voix parmi les tombes. En s'approchant ils découvrirent les cadavres d'un groupe d'adaptés à moitié dévorés. Parmi les restes, blotties l'une contre l'autre, deux petites filles de cinq ans à peine, semblables comme deux gouttes d'eau. Bien qu'il s'agît d'étrangères, le maître n'eut pas le fermeté de les laisser mourir dans l'Obscur et les ramena au Stallite.
De retour à la Source, il se rendit au jardin de pierres afin d'y recevoir l'exposition. Il montra les fillettes au Prêtresses qui, les ayant examinées, ne leur trouvèrent rien d'étrange et permirent au Maître Fossoyeur de s'en occuper comme s'il s'agissait de ses propres enfants.
La femme du fossoyeur en fut ravie, car il n'avaient pas d'enfants à eux, ayant contracté une alliance tardivement dans leur vie. Les petites s'intégrèrent sans faire d'histoire à leur nouveau foyer. Comme elles étaient si semblables et allaient toujours ensemble, ils les nommèrent Crépuscule et Aube.
Deux ans plus tard, quelques nuits après le festival du Feu, le maître fut réveillé par un vacarme atroce. Des cris stridents, le son de l'os et de la chair que l'on broie. Il se leva prestement et se rendit dans la pièce des fillettes, où il les trouva profondément endormies, comme au jour de leur rencontre. Il retourna se coucher se disant que cela n'était que son imagination. Mais les nuits suivantes, les horribles sons revinrent, inlassablement. Cela venait bien de la chambre des enfants, mais à chaque fois qu'il approchait, tout devenait muet. Sa femme commença elle aussi à ne plus dormir. Vinrent alors les prêtresses qui confirmèrent ce que tous redoutaient : l'une des petites avait été touché par l'Ombre. L'infection serait lente, ici au sein du Stallite, mais nulle rédemption n'était possible. Le Fossoyeur compris qu'il n'avait plus le choix et proposa aux Prêtresses de s'occuper lui-même de sa fille. Elles savaient qu'il possédait les connaissances nécessaires pour une mort sans douleur et donnèrent leur accord.
Le matin suivant la femme embrassa les fillettes et partit avec ses sœurs officier au Temple. Le Fossoyeur resta seule toute la journée, incapable de prendre une décision. Il savait pourtant que le jour était le meilleur moment pour cela. Il prépara tout ce dont il avait besoin, fit venir Crépuscule devant lui et lui parla comme à sa fille. Il lui parla de ce qu'elle ferait quand elle serait plus grande, de la fierté qu'elle apporterait à sa famille, de ce qu'il feraient ensemble au prochain festival de l'Eau... sans qu'il le sente, le jour déclinait et il n'en restait plus qu'une lueur quand la pelle s’abattit. Aube se tenait derrière sa sœur, son arme profondément enfoncée dans le crâne de cette dernière.
"Nulle ne peut te connaître mieux que moi. Trouve le repos là où dort le Soleil, petite sœur" dit-elle. Il sembla au père qu'un voile lumineux recouvrait le visage de la morte. Et celui-sourit, avant de s'évanouir.
"Viens, père. La tâche n'est pas finie et Amaterasu somnole déjà. Enterrons mon âme, pour que plus jamais elle ne s'éveille de ce doux sommeil. Nous voilà seuls tous deux désormais."
Et elle disait vrai, car, accident où chagrin, Rivière Fertile, la femme du fossoyeur, fut retrouvée sans vie sur les marches du Temple le soir-même.