1 - Ambiance, ambiance...
"C'est comme si... Comme s'ils faisaient semblant d'être vivants!
-Parce qu'on fait quoi, nous, à part faire semblant?"
Georges Romero - Le Territoire des Morts
-Linn
"Linn bougea légèrement la main pour attirer l'attention de son compagnon d'exploration. L'Elfe hocha la tête pour indiquer qu'il avait bien noté les mouvements en contrebas. Ses yeux fatigués scrutaient l'obscurité. Ils brillaient légèrement entre les replis de son kéfir gris. La jeune voleuse ajusta ses binocles et compta au moins une bonne dizaine de Nains. Des mineurs sans doute. Deux d'entre eux erraient sans but, alors que le reste de la troupe piochait dans les parois, sans conviction aucune. Leurs mouvements étaient lents, très lents. Trop lents. Dans un coin, les reflets d'un squelette ne laissaient aucun doute concernant la nature des créatures. Des Morts-Vivants. Le sifflement de l'Elfe la fit sursauter:
'Ils ne sont pas nombreux. Cette partie du filon est certainement presque épuisée. Le reste de la troupe doit travailler plus bas dans la roche et celui qui les domine doit sans doute récupérer les pierres toutes les semaines.'
Linn regarda le guerrier. C'était la première fois qu'il parlait sans souffrir. Sa voix était flûtée par les tumeurs qui lui rongeaient les poumons, mais il restait une certaine grâce dans sa façon de s'exprimer. Il glissa doucement en arrière, soulevant quelques volutes de Cendre.
Elle acquiesca. Ils n'avaient plus rien à faire ici. C'est lorsqu'elle quitta son observatoire qu'elle découvrit la tache de sang à l'endroit même où se trouvait l'Elfe. Elle n'eut pas le temps d'en faire la remarque, que la mâchoire d'un Nain se refermait à quelques centimètres de son visage. La Non-Mort n'était jamais loin..."
-Octavio
"Octavio leva un oeil métallique sur le corps tourmenté qui pendait lamentablement devant lui. Il nota que l'index gauche bougeait encore. Il pourrait sans doute en tirer quelque chose en arrachant l'ongle à la base. Le Sage recula dans sa chaise et prit le temps de faire le point.
Il avait des noms (dont la moitié étaient sans doute faux) et un hérétique pilleur de tombes un pied dans le bûcher: mais il n'avait toujours pas le responsable des six meurtres de la Chapelle des Martyrs. Six de ses Frères, transformés en Infectieux, heureusement contenus et détruits. Des Havres étaient tombés pour moins que ça. Ordann était tombée pour moins que ça, d'ailleurs. Qui pouvait être assez fou pour apporter la Non-Mort entre les murailles du fort? Un espion à la solde du Duc de Bellen? Non. Malgré le différent commercial qui opposait les deux Havres, le Duc n'était pas assez en colère pour en arriver là. Les hérétiques de la Presqu'île d'Aslay? Aux dernières nouvelles, ils étaient trop occupés à refouler une armée de Morts-Vivants pour penser à nuire aux Sages de Naars. Qui alors?
Octavio fut tiré de ses pensées par le mouvement de son suspect. Il était temps de préparer un bûcher. Il en profiterait pour observer la foule et sonder les esprits. Peut-être qu'un complice ou que le coupable se montrerait... Il détestait son travail. Mais il fallait bien que quelqu'un le fasse."
-Logos & Nafia
"Logos ignora la douleur. D'un coup de botte, il repoussa le Mort-Vivant et aida sa compagne à escalader le mur en ruine. Nafia s'agrippa à une poutre et se hissa à la force des bras pour éviter que son ventre rond ne touche la pierre. La sueur l'aveuglait et malgré tous les efforts de Logos, elle sentait qu'ils n'arriveraient jamais à temps au Havre pour accoucher. Son compagnon évita un nouveau claquement de mâchoire et sauta sur un tas de pierres pour rejoindre rapidement Nafia. Il se glissa sur la poutre, vérifiant qu'il pourrait défendre la position si leur poursuivant arrivait à monter.
Sa surprise fut totale lorsque la lame de sa propre femme ressortit par sa poitrine. Instinctivement, il se tourna et découvrit le visage de celle pour laquelle il avait tout perdu, baigné de larmes. Il comprit alors. La douleur au bras. Une tache écarlate. Le tissu déchiré. La trace de morsure. Dans quelques secondes, il serait l'un d'eux. Une créature vociférante à la recherche de viande fraîche.
L'arme de sa femme toujours plantée dans la poitrine, il trouva la force de sourire et de sortir une fiole. La fiole du dernier recours. D'un coup sec, il fit sauter le bouchon et avala la potion en sautant dans le vide. Le feu prit dans ses entrailles alors qu'il chutait et le réduisit en poussière avant qu'il ne touche le sol. Jamais il ne connaîtrait la Non-Mort."
-Jamil
"Jamil s'enfonça dans les ténèbres et se figea. La garde du Havre du Pont d'Argent n'était pas connue pour sa délicatesse. Le pilleur de tombes connaissait la peine encourue pour avoir visité l'ancienne cité franche de Kaast: son receleur habituel avait été précipité dans le gouffre la veille. A présent, les soldats cherchaient ses fournisseurs. La fille du vieux filou devait donner aux Sages tous les noms possibles et imaginables. Jamil ne pouvait pas le lui reprocher; ils pourraient la faire parler des heures entières sans même la toucher - le pouvoir de la peur. Au mieux, elle aurait l'assurance d'être décapitée; au pire, elle connaîtrait le sort de son père et viendrait augmenter les armées des Morts-Vivants. A cette idée, Jamil se renfonça un peu plus dans son coin."
Plagues (Pandémies dans la langue de Nabilla) trouve son origine dans un (très) mauvais jeu de mots: "Dawn of the D&D". Mais à la réflexion, ce point de départ très improbable a mûri et a peu à peu donné naissance à quelque chose de viable, finalement publié en pdf sous forme d'univers pour D&D3, avec un certain succès. L'animal n'est pas exempt de défauts, mais réussi brillamment à intégrer l'ambiance d'horreur survivaliste et crépusculaire des films de zombies au sein d'un corpus médiéval-fantastique à la fois classique et intelligemment renouvelé. Les inspirations sont claires: Tolkien (mais paradoxalement pas tellement Gygax), Roméro (et pas O'Bannon) et Carpenter. Puis, le jeu meurt, perdu au milieu de sorties pléthoriques et dotées de suivi conséquent...
Lorsque le cadavre arrive à la morgue John Doe, le médecin de garde fait, par acquit de conscience, quelques électrochocs. Vu la nature du patient, il n'est pas étonnant que celui-ci se réveille, en la personne de son auteur, qui lui insuffle une nouvelle vie après la mort; augmentée. Plus détaillé, plus profond, plus clair, l'animal se voit greffer une cosmogonie complète (putain la claque!), une campagne (et quelle campagne!) et une astuce de méta-jeu qui rend possible cette dernière. Publié sous la forme d'un livre court, dense et nerveux, motorisé par le dK, Plagues acquiert les caractéristiques d'un grand jeu, dépassant largement son potentiel d'origine.
Plagues pose la mort comme ingrédient fondamental et s'intéresse aux conséquences de cette situation: Primauté de la nature humaine, pourrissement des rapports sociaux, paranoïa généralisée, émiettement radical des populations et confinement intense des groupes humains. C'est ainsi que les zombies illustrent comment un monde meurt doucement de son manque d'ambition et de l'impossibilité pratique de mettre celle-ci en oeuvre. Bien sûr, les personnages des joueurs ne s'arrêtent pas à cela, et c'est d'ailleurs comme cela qu'on les reconnaît.
4 - Les vivants & les Non-morts
Les Humains:
Malgré la Cendre, qui pourrit tout, et la difficile vie dans les Havres, les Humains sont ceux qui s'en sortent le mieux et ce sont les plus nombreux. Les Humains sont même les seuls à pouvoir accéder au Salut. La religion des Sages est la seule existante, les autres ayant été massivement discréditées.
Les Fées:
-Les Elfes: Même s'ils n'ont pas été épargnés par la Non-mort et de façon générale par les Pandémies, leur décision de fermer leurs forêts est toujours considérée comme une trahison. On considère qu'ils ne sortent de leurs forêts que par intérêt. A présent, le Dépérissement les tue à petit feu et l'espoir leur fait défaut. Même leurs yeux perdent progressivement leur couleur, prenant cet aspect vitreux qui met mal à l'aise tous ceux qu'ils regardent.
-Les Nains: S'ils ont été aussi durement touchés que les Humains par la Non-mort, les Nains avaient tout de même pas mal d'atouts pour résister à celle-ci, comme leur hargne et leurs fortifications. Pour eux, c'est la Minéralisation qui a eu le plus d'impact. Les rares voyageurs qui pénètrent dans les cités souterraines ne peuvent s'empêcher de les comparer aux Nécropoles... En effet, les conséquences comportementales de la Minéralisation font peur: Les Nains ont fréquemment des périodes d'immobilité et de mutisme total et on dit que sous les montagnes, d'immenses salles abritent de longues files de statues qui furent autrefois des Nains bien vivants...
-Les Semi-hommes: Lorsqu'on ne les réduit pas en esclavage, les Semi-hommes sont simplement considérés comme de la vermine et le plus souvent rejetés hors des Havres. Ceux qui ont quelque fortune et peuvent payer des services doivent souvent s'acquitter du double du prix normal. Et du fait de la Mélancolie terne, la plupart de songe pas à se rebeller...
-Les Gnomes: Cette race compte à présent très peu de membres et rares sont ceux qui leur accordent crédit ou simplement attention. Les illusionnistes Gnomes peuvent se rendre utiles grâce à leur talent, mais les Sages considèrent ce savoir-faire comme à la limite de l'hérésie et condamnent parfois ceux qui sont trop doués. La Mélancolie terne les fait jouer profil bas sans pour autant avoir tué complètement leur fierté.
-Les Orques (Non jouable): Cette race est celle qui souffre le moins des Pandémies, grâce à sa grande capacité de reproduction et à son mode de subsistance basé sur la prédation des autres races. Ils sont toutefois décimés par la Rage, qui ne se déclenche pas si souvent mais est très contagieuse, ce qui fait que les clans disparaissent le plus souvent de façon spontanée, sans que quiconque ne l'apprenne. Ils vivent toujours à l'écart, dans les montagnes, et sont, le plus souvent, toujours fidèles à leurs anciens Dieux.
-Les Demi-elfes: Ils cumulent les handicaps de leurs deux ascendances, vieillissement des Humains et Dépérissement des Elfes. Par ailleurs, on leur fait souvent payer la trahison des Elfes. Enfin, un Elfe qui n'embrasse pas ostensiblement la religion des Sages (même si l'accès aux temples leur est interdit) sera suspecté de toutes les turpitudes. Une race bien infortunée...
-Les Demi-orques: Ils cumulent eux aussi toutes les contradictions et, du fait de la Rage, sont considérés comme des bombes à retardement. Il n'est pas rare qu'on leur interdise purement et simplement l'accès d'un Havre, et ils ne peuvent généralement pas dépasser les zones de quarantaine.
Les Nécrosés:
-Les Animaux Infectés: Ces animaux sauvages représentent environ un tiers des animaux rencontrés. Du fait de leur exposition permanente à la Cendre, ils sont couverts de bubons et suppurent de tous les pores de leur peau. Leur remarquable agressivité les pousse à combattre jusqu'à la mort. Leur chair n'est pas cometible et ils répandent un grand nombre de maladies naturelles (par morsures, selles, puces, moustiques, etc.) Isolés, ils ne sont pas très dangereux mais rassemblés ils sont redoutables.
-Les Infectieux: Un Infectieux est un humanoïde dont l'âme, au moment de la mort, est restée coincée dans le corps. Cela peut également être un humanoïde ayant eu un contact avec le sang ou la salive d'un Infectieux (par le sang ou par ingestion), le plus souvent à l'occasion d'une morsure. Les Infectieux sont rapides, entendent, discernent et reniflent, et leurs yeux sont injectés de sang. Par contre, ils ne savent pas nager, utiliser un objet ou pratiquer la Magie. Ils ne parlent pas et ne communiquent pas, mais émettent souvent une sorte de grognement flûté.
En cas de décès, les cadavre s'anime au bout de quelques secondes. Pendant ce laps de temps, il peut être dévoré partiellement ou totalement par un Infectieux. En cas de contamination par la salive ou le sang, la victime ne résiste pas longtemps et la seule façon de la sortir de là est le plus souvent d'amputer la zone contaminée. Il ya deux moyens de détruire un Infectieux: Le feu et les coups à la tête. Dans tous les autres cas, les coups finissent par jeter l'Infectieux à terre, mais cela ne dure pas et il se relèvera tant que son corps n'aura pas été soigneusement atomisé.
Au bout d'un certain temps, très aléatoire, la plupart des Infectieux (mais pas tous) évoluent et prennent une apparence différente, généralement semblable à l'une des catégories de Mort-vivants usuelles (mais là aussi, des exceptions existent). Après cette transformation, ils ne sont plus infectieux et cessent donc de propager la Non-mort. Voici les principaux types de Non-morts que l'on rencontre.
-Le Zombie: C'est un être très fréquent, doté d'une lenteur et d'une puanteur proverbiales. Sa seule activité est la recherche de chair fraîche (et la consommation immédiate de celle-ci). Ses aptitudes sont nulles ou presque hormis marcher d'un pas traînant, repérer sa proie (au son, l'odeur ou à vue), l'agripper puis la dévorer. Ils sont redoutables dans les espaces confinés ou lorsqu'ils sont en surnombre, mais "meurent" facilement avec un bon feu ou en séparant son cerveau du reste de son corps.
-Le Squelette: C'est un humanoïde entièrement décharné, dont les os ne tiennent ensembles que par Magie. Il est très capable d'utiliser des armes, mais ne fait preuve d'aucune initiative personnelle, utilisant même toujours les mêmes enchaînements de coups, et reste immobile en attendant qu'une maître lui donne des ordres, se contentant d'attaquer à vue pour faire passer le temps. Le "tuer" nécessite de le disloquer physiquement en le brisant ou par Magie en dissipant celle qui le fait tenir debout.
-La Goule: Son aspect est répugnant: Sa peau marron, ocre ou grise suinte en permanence, ses dents sont pointues, ses yeux sont jaunes et son odeur de charogne est atroce. Sa décomposition est stoppée et elle présente souvent des blessures ou des mutilations écoeurantes. Elle est a priori nécrophage mais ne crache pas sur la viande vivante. Et surtout, elle est profondément mauvaise, cruelle et dévorée par la haine. Ses souvenirs de sa vie passée sont complètement distordus, mais lui permettent de se rappeler de lieux ou d'anecdotes, ainsi que de ses compétences. Elle est très couarde et fuit au moindre signe de défaite.
-Le Fantôme: Cet être incorporel est issu de la libération de l'âme lorsque le corps tombe en lambeaux au moment de sa transformation. L'âme erre ainsi dans les environs et hante les voyageurs de passage. Ceux qui quittent ce lieu de "naissance" le font probablement parce qu'ils sont soumis par un être capable de les asservir. Le Fantôme se nourrit de la peur qu'il fait ressentir à ses victimes, les faisant passer par tous les états allant de la paranoïa à la terreur, jusqu'à ce qu'elles se suicident, s'entre-tuent ou meurent d'épuisement. Les Fantômes sont capables de télékinésie et se souviennent de l'essentiel de leur vie antérieure.
-Le Vampire: Ce Non-mort très intelligent se nourrit du sang de ses victimes. Ses actes sont guidés par le désir de luxure et de puissance. Son aspect est celui qu'il avait de son vivant, hormis ses canines proéminentes, sa peau blafarde et, lorsqu'il mord, ses iris rouges. Il ne craint ni l'ail, ni les symboles religieux, ni les pieux dans le coeur, mais est assez sensible à la lumière du soleil (bien faiblarde à présent...), et très vulnérable au feu. Volontiers manipulateur, le Vampire apprécie de s'infiltrer dans les Havres pour profiter de la compagnie des humanoïdes (et pas seulement pour les vider de leur sang).
-La Liche: Cet humanoïde desséché se reconnaît à ses orbites vides et noires. Un fragment de son âme est contenu dans une pierre qu'elle cache soigneusement. En effet, le meilleur moyen de "tuer" une Liche est de détruire ce cristal. La Liche possède pleinement toutes les capacités qu'elle avait de son vivant et les utilise au mieux de ses intérêts. Mauvaise, elle n'apprécie pas d'infliger la douleur, mais n'hésite pas le faire si nécessaire. La Liche se repose essentiellement sur ses sortilèges pour assurer sa sécurité mais reste un combattant redoutable au corps-à-corps.